Les produits chimiques ototoxiques. Le saviez-vous ? Il n’y a pas que le bruit qui rend sourd. Certains produits chimiques aussi ! L’essentiel à retenir. [Article mis à jour le 27 mars 2019]

Ototoxique définitionOtotoxique : définition

Si le bruit reste la nuisance la plus nocive pour l’audition, certains agents chimiques fragilisent directement l’oreille interne des salariés en agissant sur le vestibule, la cochlée endommagée ou endommagent le nerf auditif.

Ces substances peuvent aussi, selon leur nature, potentialiser les effets du bruit. On les appelle les « ototoxiques ». Ils peuvent favoriser l’apparition d’une surdité professionnelle.

Symptômes d’exposition aux ototoxiques

Certaines substances ototoxiques peuvent provoquer des acouphènes, des vertiges, une surdité ou une hypersensibilité aux sons (hyperacousie).

Ototoxicité professionnelle (exposition professionnelle aux ototoxiques)   

Les ototoxiques sont manipulés couramment en entreprise. Voici quelques exemples :

Les solvants aromatiques

Toluène, styrène, xylène et éthylbenzène figurent parmi les solvants aromatiques les plus utilisés. On les retrouve dans les peintures, vernis, encres, dégraissants, la fabrication de certaines résines, etc.

Ces solvants empoisonnent les cellules ciliées externes au niveau de la cochlée.

Par ailleurs, les études réalisées sur le modèle animal, et sur l’homme dans le cadre d’enquêtes épidémiologiques, ont démontré le risque de potentialisation* des effets du bruit par les solvants aromatiques.

Les solvants chlorés

Exemple : le tricholoroéthylène.

Métaux et métaux lourds

Plomb, mercure, cadmium, étain et ses composés organiques (triméthyl étain, etc.)

Gaz asphyxiants : Le monoxyde de carbone et l’acide cyanhydrique

Le monoxyde de carbone, répandu dans les activités de métallurgie et l’industrie chimique, et l’acide cyanhydrique (présent dans l’industrie chimique) ont la capacité de potentialiser les effets du bruit.

Des études ont démontré qu’une exposition sonore non traumatisante le devenait en présence d’acide cyanhydrique ou de monoxyde de carbone.

Le disulfure de carbone (CS2)

Cette substance est connue pour ne pas être cochléotoxique. Pourtant, des travaux ont montré que le disulfure de carbone provoque un risque accru de baisse de l’audition en présence de bruits impulsionnels* (bruits de courte durée) :

Le disulfure de carbone modifie le réflexe stapédien (réflexe de protection de l’oreille interne) contre le bruit.

Dans étude récente publiée dans la revue Neurotoxicology* l’INRS montre que dans le cas d’une exposition à un bruit impulsionnel de 84 dB SPL (LEX,d), l’amplitude des pertes auditives est quasiment doublée en présence de 250 ppm de CS2 (15 minutes / heure pendant 6 heures durant 5 jours).

Source : Publication de Carreres Pons, M., et al. Carbon disulfide potentiates the effects of impulse noise on the organ of Corti. Neurotoxicology (2017), 59, pp. 79-87.

Médicaments ototoxiques : agents ototoxiques d’origine extra-professionnelle

Les diurétiques

Certains diurétiques (furosémide par exemple) ont des effets ototoxiques avérés, mais temporaires. La surdité apparaît quelques minutes après l’administration du produit, mais régresse et s’arrête à la clairance totale du produit. A forte dose, les effets peuvent être irréversibles.

Les antibiotiques

Les antibiotiques de la classe AA (aminoglycosidiques) peuvent pénétrer dans les liquides de l’oreille interne. Chez l’animal, il a été démontré qu’ils pouvaient s’accumuler dans les cellules ciliées jusqu’à devenir ototoxiques. Il est donc nécessaire d’informer les salariés ayant suivi ces traitements, des risques potentiels et de mettre en place des mesures renforcées contre le bruit selon le risque.

Les salicylates (aspirine, Ibuprofène …)

L’acide salicylique, communément appelé « aspirine » provoque, à partir d’un niveau sérique de 10-15 mg pour 100 mL (dose couramment administrée pour soulager une fièvre ou une migraine par exemple), des pertes auditives partielles et temporaires. A des doses plus élevées, des acouphènes peuvent survenir. Le risque de potentialisation* des effets du bruit par l’aspirine n’est pas encore démontré, et reste débattu. D’autres anti-inflammatoires, tels l’Ibuprofène, sont également incriminés.

Les anti-tumoraux

Certains principes actifs anticancéreux (cisplatine, carboplatine…) peuvent détruire les cellules ciliées de la cochlée. De plus, des effets conjugués entre le bruit et les anti-tumoraux ont été démontrés chez l’animal.

Il est donc nécessaire d’avertir les salariés suivant ces types de traitement, des risques accrus liés au bruit, et de les en protéger.

Exposition professionnelle aux ototoxiques : Réglementation

Le Code du Travail préconise des mesures de prévention du bruit et du risque chimique (surveillance médicale, information des salariés, mesures de réduction de l’exposition au bruit et aux produits chimiques voire substitution des agents chimiques) afin de réduire les risques.

Cependant, il n’existe pas à ce jour de réglementation spécifique pour les expositions multifactorielles (exposition à la fois au bruit et aux agents ototoxiques). Actuellement le risque chimique ototoxique n’est pas intégré dans la réglementation et une surdité professionnelle (tableau 42 du Régime de la Sécurité sociale) n’est reconnue que si elle a pour origine une exposition sonore. Enfin, les effets ototoxiques remettent en question la pertinence de la valeur limite réglementaire d’exposition au bruit qui est destiné à protéger une oreille « en bonne santé » et cette limite n’est peut-être pas suffisante pour protéger une oreille rendue plus vulnérable par un produit chimique ototoxique.

L’INRS recommande que les VLEP (Valeurs Limites d’Exposition Professionnelle) et les VLEP-CT (VLEP court terme) tiennent compte du risque de potentialisation.

Mention ototoxique : FDS (Fiche de données de sécurité)

La FDS (Fiche de Données de Sécurité) répond aux exigences du Réglement REACH (annexe II). Les classes de dangers et catégories de danger dépendent du Règlement CLP. Or, le règlement CLP ne prévoit pas de mention de danger spécifique aux effets ototoxiques.

Rubrique 11 de la FDS

Si un produit est ototoxique, les effets seront mentionnés à la rubrique 11 de la FDS (rubrique relative aux propriétés toxicologiques).

Rubrique 2 et 3 de la FDS

Le produit peut aussi être classé dans la catégorie STOT (Spécific Target Organ Toxicity) qui correspond à l’effet toxique sur un organe cible.

Exemple : Le styrène est un ototoxique classé STOT RE 1 (Toxicité sur un organe cible, exposition répétée, catégorie 1) associé à la mention de danger « H372 : Risque avéré d’effets graves pour les organes (appareil auditif) »

Rubrique 8 de la FDS

La rubrique 8 mentionne les VLEP (Valeur Limite d’Exposition Professionnelle) des constituants des produits (lorsqu’elles existent).

Le tableau des VLEP issu du Code du travail indique une « mention bruit » lorsqu’un agent chimique comporte un risque de co-exposition au bruit. Cette mention devrait être précisée dans la Fiche de Données de Sécurité.

Exemple : le styrène est associé à la mention « bruit ».

La mention « bruit » accompagnant la limite d’exposition professionnelle indique la possibilité d’une atteinte auditive en cas de co-exposition au bruit. (Source : article R. 4412-149 du Code du travail).

Pour aller plus loin

  • Le point sur les connaissances sur le bruit et les agents ototoxiques – ED 5028, INRS, 2005
  • Bruit et substances ototoxiques : cocktail à risque pour l’audition. Hygiène et sécurité du travail, N° 238, INRS, Mars 2015
  • COCHLEA : Site d’information destiné au grand public et aux professionnels. Il fournit des données détaillées et techniques sur ce qui touche à l’audition.

*Potentialisation: Les interactions entre les produits chimiques et le bruit produisent des effets supérieurs à la somme des effets de chaque agent pris séparément.

**Bruit impulsionnel : Bruit de courte durée. Exemples : détonation d’explosifs, martelage, forge, etc.

Se former au risque chimique :

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