La réglementation CMR : Quelles sont les obligations de l’employeur ? L’essentiel des informations à retenir.
En France, on estime à 12 % la part des salariés exposés à au moins une nuisance cancérogène, chimique ou non. Cela représente 2.6 millions de personnes (600 000 femmes et 2 millions d’hommes). De nombreuses entreprises et secteurs d’activité sont concernés : le BTP, les secteurs métallurgique, chimique, pétrolier, les activités de recherche et développement en laboratoire, les entreprises de maintenance, le secteur du bois, etc.
Selon les statistiques communiquées par l’Institut national du cancer (Inca), 382 000 nouveaux cas de cancers se sont déclarés en France. Le taux d’incidence se stabilise chez les femmes et baisse chez les hommes. 3.6 % des cas de cancers sont liés à une exposition professionnelle. Il s’agit le plus souvent d’un cancer pulmonaire dans la majorité des cas.
La réglementation CMR n’est pas toujours connue. Pourtant, elle prescrit des mesures de prévention indispensables pour éviter ces maladies. Les règles spécifiques destinées à prévenir le risque CMR sur le lieu de travail sont inscrites dans le Code du travail (articles R. 4412-59 à R. 4412-93).
La prévention du risque mutagène et cancérogène s’inscrit dans le cadre général de prévention établi par la Directive 2004/37/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail.
Cet article ne traite pas des règles spécifiques de prévention des expositions au plomb ou à l’amiante, qui font l’objet de prescriptions réglementaires différentes.
Sommaire
Champ d’application : définition des agents CMR concernés
Les agents CMR (cancérogène, Mutagène, Toxiques pour la Reproduction) qui entrent dans le champ d’application du risque CMR sont les suivants :
- Agents cancérogènes catégorie 1A et 1B selon le Règlement CLP
- Agents mutagènes catégorie 1A et 1B selon le Règlement CLP
- Agents reprotoxiques (toxiques pour la reproduction) catégorie 1A et 1B selon le Règlement CLP
- Les procédés dits « procédés CMR », listés à l’arrêté du 5 janvier 1993 :
- Fabrication d’auramine
- Travaux exposant aux hydrocarbures aromatiques polycycliques présents dans la suie, le goudron, la poix, la fumée ou les poussières de la houille
- Travaux exposant aux poussières, fumées ou brouillards produits lors du grillage et de l’électroraffinage des mattes de nickel
- Procédé à l’acide fort dans la fabrication d’alcool isopropylique
- Travaux exposant aux poussières de bois inhalables
- Travaux exposant au formaldéhyde
Consulter la liste des agents CMR
Consulter la liste des produits CMR officielle, établie par les instances européennes. Cette liste est issue de l’inventaire des classifications harmonisées (inventaire C&L) tenu à jour sur le site de l’ECHA (Agence Européenne des Produits Chimiques).
A noter : 2 nouveaux procédés vont prochainement être ajoutés à la liste des procédés CMR :
- Les travaux entraînant une exposition cutanée à des huiles minérales qui ont auparavant été utilisées dans des moteurs à combustion interne pour lubrifier et refroidir les pièces mobiles du moteur.
- Les travaux exposant aux émissions d’échappement de moteurs diesel.
Ces ajouts sont inscrits dans la Directive (UE)2019/130, publiée le 31 janvier 2019. La transposition en France doit avoir lieu avant le 20 février 2021.
Attention : Les agents CMR classés en catégorie 2 n’entrent donc pas dans le cadre de la réglementation CMR. Ils sont soumis à la même réglementation que les autres agents chimiques dangereux.
Evaluer le risque d’exposition aux agents CMR
Evaluer le risque CMR
L’évaluation du risque d’exposition (nature, degré et durée) est conduite afin de décider des mesures de prévention nécessaires. (Source : article R. 4412-61 du Code du travail).
Renouveler périodiquement l’évaluation des risques
Elle est conduite régulièrement « afin de tenir compte de l’évolution des connaissances sur les produits utilisés et lors de tout changement des conditions pouvant affecter l’exposition des travailleurs« . (Source : Article R. 4412-62 du Code du travail)
En cas de nouvelle activité : évaluer le risque et mettre en oeuvre les mesures de prévention AVANT le démarrage.
Lorsque qu’une opération met en oeuvre, émet des agents CMR, l’évaluation doit être menée avant le début de l’activité. Les mesures de sécurité adaptées doivent être mises en place AVANT le début de cette activité. (Source : article R. 4412-63 du Code du travail).
Tenir les éléments à la disposition du médecin du travail, de l’inspecteur du travail, de la CARSAT et des membres du CSE
Les éléments qui ont permis d’évaluer les risques d’exposition sont tenus à la disposition des autorités, des membres du CSE (Comité Socio Economique) et de la médecine du travail. (Source : article R. 4412-64)
Retranscrire les résultats dans le Document Unique
Le résultat de l’évaluation est inscrit dans le DUER (Document unique d’évaluation des risques). (Source : article R. 4412-64).
Démarche de prévention et mesures générales prioritaires
Les mesures de prévention découlent de l’évaluation des risques. Par ordre de priorité, il est nécessaire de :
- Supprimer le risque CMR (Article R. 4412-67)
- Substituer l’agent CMR (remplacement du CMR par un agent non CMR); remplacer le procédé par un procédé moins dangereux ou non dangereux (Article R. 4412-64)
- Consigner les résultats des investigations dans le document unique d’évaluation des risques (Article R. 4412-64)
- Si la substitution est impossible, la manipulation et l’émission des agents CMR se font dans un système clos (article R. 4412-68).
- Si cela est impossible, il faut mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour réduire le risque au niveau le plus bas techniquement possible (article R. 4412-69) :
- Les mesures de prévention applicables dans tous les cas, sont les suivantes (article R. 4412-70) :
Dans tous les cas d’utilisation d’un agent cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction l’employeur applique les mesures suivantes :
1° Limitation des quantités de cet agent sur le lieu de travail ;
2° Limitation du nombre de travailleurs exposés ou susceptibles de l’être ;
3° Mise au point de processus de travail et de mesures techniques permettant d’éviter ou de minimiser le dégagement d’agents ;
4° Évacuation des agents conformément aux dispositions des articles R. 4222-12 et R. 4222-13 :[Extrait de l’article R. 4222-12 : Les émissions (….) sont supprimées, y compris, par la mise en œuvre de procédés d’humidification en cas de risque de suspension de particules, lorsque les techniques de production le permettent.
A défaut, elles sont captées (…) au plus près de leur source d’émission et aussi efficacement que possible, (…). S’il n’est techniquement pas possible de capter à leur source la totalité des polluants, les polluants résiduels sont évacués par la ventilation générale du local. ]
[Extrait de l’article R. 4222-13 : Les installations de captage et de ventilation sont réalisées de telle sorte que les concentrations dans l’atmosphère ne soient dangereuses en aucun point pour la santé et la sécurité des travailleurs et qu’elles restent inférieures aux valeurs limites d’exposition (…)
(…)
Un dispositif d’avertissement automatique signale toute défaillance des installations de captage qui n’est pas directement décelable par les occupants des locaux.5° Utilisation de méthodes appropriées de mesure des agents, en particulier pour la détection précoce des expositions anormales résultant d’un événement imprévisible ou d’un accident ;
6° Application de procédures et de méthodes de travail appropriées ;
7° Mise en œuvre de mesures de protection collectives ou, lorsque l’exposition ne peut être évitée par d’autres moyens, de mesures de protection individuelles ;
8° Mise en œuvre de mesures d’hygiène, notamment de nettoyage régulier des sols, murs et autres surfaces ;
9° Information des travailleurs ;
10° Délimitation des zones à risque et utilisation de signaux adéquats d’avertissement et de sécurité, y compris les signaux « défense de fumer », dans les zones où les travailleurs sont exposés ou susceptibles de l’être ;
11° Mise en place de dispositifs pour les cas d’urgence susceptibles d’entraîner des expositions anormalement élevées, en particulier lors d’éventuelles ruptures du confinement des systèmes clos ;
12° Utilisation de moyens permettant le stockage, la manipulation et le transport sans risque des produits, notamment par l’emploi de récipients hermétiques étiquetés de manière claire, nette et visible ;
13° Collecte, stockage et évacuation sûrs des déchets.
Vêtements de travail, EPI et mesures d’hygiène (article R. 4412-72)
- Interdire de fumer, manger ou boire dans les secteurs où il existe un risque de contamination.
- Fournir des vêtements adaptés, les ranger, les vérifier, les nettoyer si possible avant et systématiquement après chaque usage.
- Remplacer les vêtements de protection défectueux.
- Le personnel ne doit pas sortir de l’établissement avec les vêtements de travail ou les EPI.
Cas où l’entretien des EPI et vêtements de travail est réalisé à l’extérieur de l’entreprise (Article R. 4412-73)
- Informer l’entreprise chargée du transport et de l’entretien des risques d’exposition aux agents CMR.
Accès restreint aux zones à risques (Article R. 4412-74)
- Les zones de travail ne sont accessibles qu’au personnel destiné à y entrer.
Mesures de protection destinées au personnel de maintenance (Article R. 4412-75)
Ces activités sont généralement associées à un risque de contamination plus élevé.
L’employeur doit rechercher en priorité des mesures de protection technique.
Lorsque c’est impossible, des mesures de sécurité spécifiques sont déterminées après avoir consulté le médecin du travail, le CSE afin de réduire au maximum le temps d’exposition et protéger le personnel durant les opérations :
- Fourniture de vêtements de protection et EPI respiratoire.
- Veiller à leur port effectif
- Les lieux d’intervention sont délimités et signalés
- Accès limité aux personnes autorisées.
Contrôle du respect des Valeurs Limites Biologiques (Article R. 4412-82)
Lorsque le résultat des analyses médicales indique un dépassement de la valeur limite biologique, le médecin en informe l’employeur (sans communiquer le nom du salarié). L’employeur arrête le travail au poste concerné, évalue les risques, met en place des mesures de sécurité nécessaires, et fait contrôler le respect des VLEP.
En cas d’incident ou accident pouvant générer une exposition anormale (Article R.4412-83 à R. 4412-85)
- Accès strictement limité aux personnes nécessaires aux réparations.
- Le personnel autorisé reçoit les EPI nécessaires.
- L’employeur veille au port effectif des protections.
- Veiller à ce que l’élimination des agents chimiques ne crée pas de nouveaux risques (y compris à l’extérieur de l’établissement).
Informations tenues à la disposition du personnel et du CSE (Article R. 4412-86)
Les salariés potentiellement exposés et les membres du CSE ont accès aux informations suivantes :
1° Les activités ou les procédés industriels mis en œuvre, y compris les raisons pour lesquelles des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction sont utilisés ;
2° Les quantités fabriquées ou utilisées de substances ou préparations qui contiennent des agents cancérogènes mutagènes ou toxiques pour la reproduction ;
3° Le nombre de travailleurs exposés ;
4° Les mesures de prévention prises ;
5° Le type d’équipement de protection à utiliser ;
6° La nature et le degré de l’exposition, notamment sa durée ;
7° Les cas de substitution par un autre produit.
Organisation et contenu de l’information et de la formation CMR, destinées aux salariés (Articles R. 4412-87 à R. 4412-93)
- La formation CMR et l’information sont organisées en liaison avec le médecin du travail et le CSE.
- Ces actions de formation et information sont à renouveler périodiquement.
- Contenu de l’information et formation à la sécurité :
1° Les risques potentiels pour la santé, y compris les risques additionnels dus à la consommation du tabac ;
2° Les précautions à prendre pour prévenir l’exposition ;
3° Les prescriptions en matière d’hygiène ;
4° Le port et l’emploi des équipements et des vêtements de protection ;
5° Les mesures à prendre par les travailleurs, notamment par le personnel d’intervention, pour la prévention d’incidents et en cas d’incident.
- Dans le cas des substances reprotoxiques (toxiques pour la reproduction), il est nécessaire de :
- Sensibiliser le personnel aux effets sur la fertilité, l’embryon (surtout au début de la grossesse), sur le foetus et l’enfant en cas d’allaitement.
- Sensibiliser les femmes à la nécessité de déclarer le plus précocement possible leur état de grossesse
- Informer les femmes sur les possibilités de changement temporaire d’affectation et les travaux interdits.
-
Signalement de la présence d’agents CMR : Le personnel est informé de la présence des produits CMR dans les installations. tout contenant est étiqueté de façon claire et lisible.
- En cas de situation anormale : Informer immédiatement le CSE, le personnel de l’entreprise et la médecine du travail, des causes de la situation et mesures de sécurité prises ou à prendre.
-
Les informations prévues à l’article R. 4412-86 sont tenues à la disposition du médecin du travail, de l’inspection du travail, du médecin inspecteur du travail et des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale.
Contrôle du respect des VLEP indicatives et contraignantes (Articles R. 4412-76 à R. 4412-80)
- Mesurer le respect des VLEP : le contrôle technique est réalisé par un organisme accrédité, selon les préconisations fixées à l’article R. 4412-151 du Code du travail.
- Fréquence de contrôle : au minimum une fois par an et lors de changement susceptible d’avoir un impact négatif sur la santé du personnel.
- Le résultat des mesures fait l’objet d’un rapport à transmettre à la médecine du travail et au CSE.
- Le rapport est tenu à la disposition de l’inspection du travail, du médecin inspecteur du travail et des agents de la CARSAT.
- En cas de dépassement d’une VLEP contraignante : arrêter le travail et prendre des mesures de sécurité adaptées.
- En cas de dépassement d’une VLEP indicative : évaluer les risques et prendre des mesures de sécurité adaptées.
Réglementation CMR : les changements à venir
Attention : La réglementation européenne est en constante évolution.
La liste des VLEP s’allonge. Les seuils évoluent et certains agents CMR ont une mention « peau » (ex. : les mélanges d’hydrocarbures aromatiques polycycliques contenant du benzo[a]pyrène, et les huiles minérales
qui ont été auparavant utilisées dans des moteurs à combustion interne).
- Les nouvelles VLEP contraignantes et les mentions « peau » dans le tableau ci-dessous sont introduites par la Directive (UE) 2019/130. La transposition en droit français est prévue au plus tard le 20 février 2021.
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